Valoriser les matériaux excavés en terre fertile

Que faire des matériaux qui pourraient être extraits du sous-sol s’il était décidé de construire un nouveau collisionneur de particules ? C’est la question que le CERN a souhaité anticiper, sans attendre une éventuelle décision, afin de prévoir la réutilisation et le recyclage de cette terre appelée molasse.

La molasse est une roche de nature très hétérogène – constituée d’une succession de couches de grès, cimentées ou limoneuses, entre lesquelles s’intercalent des marnes et des roches argileuses, pour laquelle aucun processus de valorisation à l’échelle industrielle n’est connu à ce jour. Conformément aux principes de l’économie circulaire, l’étude FCC examine les possibilités de réemploi et de valorisation des matériaux qui seraient excavés. Une étude approfondie a été effectuée ces dernières années avec la participation d’experts français, suisses et internationaux du domaine. Elle sera une donnée importante permettant de compléter les travaux d’une stratégie de gestion des matériaux d’excavation axée sur plusieurs axes de valorisation, en fonction de leur propriétés géo-mécaniques, minéralogiques et chimiques et de leur conformation physique (sables, graviers, etc.). Un de ces axes consiste à utiliser des matériaux excavés dans des filières innovantes, en partie identifiées et vérifiées en laboratoire par le biais du concours Mining the Future qui s’est tenu en 2021 et 2022. Désormais, la technologie doit être démontrée à grande échelle dans un environnement contrôlé et être adaptée aux différentes compositions de sol et de plantes. 

Le projet OpenSkyLab (“Laboratoire à ciel ouvert”) qui vient de commencer sur un terrain du CERN situé dans la commune de Cessy (Ain) a pour objectif de tester et améliorer un processus innovant pour transformer cette molasse en terre fertile et créer un substrat doté d’une valeur agronomique lors de son utilisation. Diverses applications sont envisagées comme l’aménagement paysager, le comblement de carrières, la couverture d’axes routiers, les chemins forestiers, les substrats pour les abords des routes, les haies bocagères et bien d’autres. Ce processus repose notamment sur la séparation des matériaux d’excavation par granulométrie et par typologie. Leur mélange avec du compost, et des micro-organismes et des champignons normalement présents dans le sol et éventuellement du sol naturel servant à la fois d’apport en matière organique et en micro-organismes pourrait permettre la reconstruction progressive du substrat naturel. 

Plusieurs cellules d’essai sont donc actuellement déployées sur un terrain agricole d’une superficie de 10 000 m2 (voir photo ci-dessus). La phase d’exploitation est prévue pour 4 ans. Les cellules d’essai d’environ 6 mètres sur 8 seront remplies avec une molasse qui provient des excavations liées au programme d’amélioration du collisionneur LHC, HL-LHC. 

La croissance des plantes, observée sur plusieurs saisons et plusieurs années sera surveillée et évaluée par différents capteurs, et des analyses seront réalisées en laboratoire tout au long du projet. Il sera question d’identifier le mélange le plus approprié entre molasse et amendements afin d’optimiser la constitution d’un sol fertile. 

Cette approche ne démontre pas seulement la durabilité d’un projet phare scientifique. Il favorisera aussi l’émergence d’une économie circulaire pour la gestion des déblais inertes, réduisant la pression pour trouver des endroits de stockages définitifs et diminuant l’utilisation des matières premières. Une belle perspective pour réduire en même temps l’empreinte carbone et le trafic routier associé au transport pour tout projet de tunnel ou autre impliquant l’extraction de molasse que l’on trouve en bordure nord de l’arc alpin jusqu’en Hongrie. 

Luisa Ulrici